Les Fables de Jean de La Fontaine
Cerf (Le) se voyant dans l’eau
Dans le cristal d'une fontaine
Un Cerf se mirant autrefois
Louait la beauté de son bois,
Et ne pouvait qu'avec que peine
Souffrir ses jambes de fuseaux,
Dont il voyait l'objet se perdre dans les eaux.
Quelle proportion de mes pieds à ma tête !
Disait-il en voyant leur ombre avec douleur :
Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte ;
Mes pieds ne me font point d'honneur.
Un Limier [[un chien de chasse]] le fait partir ;
Il tâche à [[il tâche]] se garantir ;
Dans les forêts il s'emporte [[il s'enfuit]].
Son bois, dommageable ornement,
L'arrêtant à chaque moment,
Nuit à l'office [[aux services]] que lui rendent
Ses pieds, de qui ses jours dépendent.
Il se dédit alors, et maudit les présents
Que le Ciel lui fait tous les ans .[[les pointes supplémentaires (andouillers) qui repoussent au printemps sur chaque bois du cerf (ceux-ci tombent chaque année)]]
Nous faisons cas du Beau, nous méprisons l'Utile ;
Et le Beau souvent nous détruit.
Ce Cerf blâme ses pieds qui le rendent agile ;
Il estime un bois qui lui nuit.