Chat (Le) et le Renard

Livre IX, fable 14

Le Chat et le Renard, comme beaux petits saints,

S'en allaient en pèlerinage.

C'étaient deux vrais Tartufs [[Tartuffe. Mot inventé et introduit dans notre langue par feu Molière. C'est à dire un faux dévôt (Richelet)]], deux archipatelins [[mot forgé par L.F., dont l'origine se trouve dans la Farce de Maître Pathelin]],

Deux francs Patte-pelus [[au figuré : hypocrite flatteur et trompeur (Richelet)]] qui, des frais du voyage,

Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage,

S'indemnisaient à qui mieux mieux.

Le chemin était long, et partant ennuyeux,

Pour l'accourcir ils disputèrent [[ ils discutèrent , chacun défendant son point de vue]].

La dispute [[la discussion]] est d'un grand secours ;

Sans elle on dormirait toujours.

Nos Pèlerins s'égosillèrent.

Ayant bien disputé, l'on parla du prochain.

Le Renard au Chat dit enfin :

Tu prétends être fort habile :

En sais-tu tant que moi ? J'ai cent ruses au sac.

Non, dit l'autre : je n'ai qu'un tour dans mon bissac [[ma besace]],

Mais je soutiens qu'il en vaut mille.

Eux de recommencer la dispute à l'envi,

Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi,

Une meute apaisa la noise [[la dispute, la querelle]].

Le Chat dit au Renard : Fouille en ton sac, ami :

Cherche en ta cervelle matoise

Un stratagème sûr. Pour moi, voici le mien.

A ces mots sur un arbre il grimpa bel et bien.

L'autre fit cent tours inutiles,

Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut

Tous les confrères de Brifaut [[chef de la meute de chiens]].

Partout il tenta des asiles ;

Et ce fut partout sans succès :

La fumée y pourvut, ainsi que les bassets [[ chiens capables d'entrer dans les terrie]].

Au sortir d'un Terrier, deux Chiens aux pieds agiles

L'étranglèrent du premier bond.

Le trop d'expédients peut gâter une affaire ;

On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.

N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.