Les Fables de Jean de La Fontaine
Loup (Le) et l’Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure. [[à l'instant même]]
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi [[assez hardi pour]] de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas [[ "Tous ceux qui savent écrire et qui ont
étudié, disent "je vais"mais toute la cour dit "je va", et ne peut souffrir "je vais", qui passe pour un mot provincial ou du peuple de Paris" (Vaugelas).]]
Je me vas : forme dite progressive
marquant la continuité de l'action : je suis
en train de me désaltérer. désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si [[puisque]] je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens:
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.